– Michel Taurel a essayé de se planquer, mais ça ne marche pas. L’aguicheuse terrasse en pergola canissée de sa maison de village au cœur d’Allauch, fleurie et agrémentée de plantes parfois exotiques, ne facilite pas l’ambition de discrétion. On a envie d’entrer. Et puis une fois goutée la cuisine mes petits mojitos sucrés, c’est râpé: on est alpagué, on reviendra et en plus on en parlera. Planque ratée, je vous dis. Vous verrez par vous-même: on pige tout de l’endroit avant même que n’arrivent les premiers plats. Ce restaurant thaï tient sa réponse dans une tenue impeccable et un professionnalisme souriant. Salle en beauté en haut des escaliers, décor reposant qui apaise, clair aux perspectives bien pensées. Je crois bien n’avoir jamais été aussi bien installé chez un représentant de l’Asie: épaisses tables de bois rustiques et douillets fauteuils. 

Bien souvent, dans ce genre de configuration, la mise en scène suffit, le public applaudit. Et le tour est joué. Tu peux lui faire boulotter un ceviche de platane ou un steak de moustique, il est content. Sauf que précisément, les bonus pas communs arrivent: c’est très bon et carte à la semaine! Vous mesurez la performance? Rarissime pour un restaurant de spécialités qui souvent par fainéantise fourgue ce que le client lui demande: on tourne vite en rond. Pas chez Michel Taurel. Je vous ai présenté? Non? Après mon repas. Formule midi à 18€. La carte: entrées à moins de 10€: beignets de crevettes entières, bœuf séché aux graines de coriandre, nems thaï, salade de porc haché. Plats entre 11,50€ (poulet sauté au bambou) et 18,50€ (daurade ou loup entier croustillant à l’ail). J’opte pour “Tom Kha Khung” soupe de crevettes, lait de coco, citronnelle fraiche. J’adore les soupes thaïes. Celle-ci ressemble à sa sœur “Tom Yam Khung” comme deux grains de riz sauté, à quelques éléments près. La première est plus arrondie, plus sucrée. Dosage du piment ajusté à la demande, à préciser à la commande, le curseur s’adapte à chaque palais, du douillet un peu complexé (moi) au super-héros addict. 15/20. Le plat: “ped keang deng”. Je traduis pour les non initiés à la langue de Angkarn Kalayanapong: “magret de canard au curry rouge”. Ne vous attendez pas à un dodu magret, mais il est du sud-ouest et fort bien cuisiné. Emprise sur votre plaisir de l’équilibre épices/piment ajusté. Choix de riz, le gluant servi dans son panier tressé est formidable. 15/20.

Service aimable qui n’en fait pas des tonnes, et semble prendre du plaisir aussi. Vous connaissez peut-être le quadra qui mène la danse! Pendant plus de 10 ans, il tint le fameux Lan Thaï du côté du Cours Julien à Marseille, rue Vian pour être précis. Voici Michel Taurel installé à Allauch. Un personnage atypique, entre humanisme désinvolte et empathie commerciale. Bref! Un régal pour ceux qui recherchent le frisson de l’épice et des curry, entre-autres saveurs spécifiques de cette cuisine thaï devenue galvaudée par les opportunistes de tout poil qui commencent à me courir sur le haricot. Allez hop! On profite!